Texte intégral initialement publié dans le Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Gers et reproduit ici avec l'autorisation d'Alain Lagors, historien de Plaisance du Gers.

 

 

 

Paysages de rivière de la bastide de Plaisance vus par

des peintres locaux et régionaux des

XIXème et XXème siècles.

 

Par Alain LAGORS

 

    L'inventaire des tableaux de peintres locaux et régionaux établi a partir des collections privées et municipales, et ayant pour thème les paysages de Plaisance, montre la prédominance des vues de l'Arros plaisantine. Ce fait s’explique par l'importance de la rivière dans la topographie de la bastide et dans la vie quotidienne de ses habitants. L'Arros coule, en effet, a une cinquantaine de mètres de la place de la mairie coeur de la vieille ville. De plus, « aller au pont » est encore de nos jours l'escapade récréative et quotidienne de nombreux plaisantins Comment des peintres locaux et régionaux des XIXème et XXème siècles ont évoqué l’identité de « bastide de rivière » de Plaisance-du-Gers dans leurs tableaux ?

En fonction des thèmes traités, la vingtaine d’oeuvres répertoriées sont réparties en 4 rubriques :

 

           A) L'Arros sauvage,

           B) Un paysage urbain sur la rivière,

           C) le pont de pierre, édifice emblématique de la cité

           D) L’Arros vivante, l’Arros lieu de vie.

 

A) L’Arros sauvage: trois tableaux illustrent ce sujet :

 

1) «L’Arros à Verdier», deux aquarelles, septembre et octobre 1923 (22/15 cm), Paul Saramon (1878-1927), collection privée.

Paul Saramon peinture plaisance du gers
Paul Saramon peinture plaisance du gers

 

             a) Le peintre :

 

   Né à Plaisance, Paul Saramon appartient par ses origines familiales à la petite bourgeoisie de la ville. En 1900, il s’engage dans l’armée, participe de 1901 à 1911 aux campagnes du Tonkin durant lesquelles le service cartographique aux armées utilise ses talents de dessinateur dans la confection de la carte de l’Indochine. Il est mobilisé pendant la Grande Guerre où il est grièvement blessé. En 1916, il est promu officier et membre de la Légion d'honneur. Démobilisé en 1919 avec pension d'invalidité, Paul Saramon bénéficie, alors comme dessinateur, d'un emploi réservé aux Chemins de Fer de l'Etat. Mais son état de santé empirant, il rejoint Plaisance et s'adonne à la peinture jusqu'à son décès survenu le 13 mai 1927. On doit à Paul Saramon de remarquables aquarelles et encres, représentant des paysages et des personnages de l'Indochine française, de la Première Guerre mondiale, de sa Rivière-Basse natale et même de Caen et de Lisieux car il avait épousé en secondes noces une normande. Il excelle aussi dans l'illustration des ouvrages de poésie.

 

 

              b) Le paysage représenté:

 

  Les deux aquarelles peintes à un mois d'intervalIe sont une vue de l'amorce d'un méandre de l'Arros, au lieu-dit «à Verdier», situé bien en aval de la ville. Le peintre a su traduire la douceur et le calme du bassin de l'Arros au début de l'automne (on voit poindre cette saison à la couleur dorée du feuillage des arbres du dessin exécuté en octobre). L'Arros lente, paresseuse, au cours très sinueux et au lit encombré d'ilots de graviers est évoquée par ses eaux vertes et dormantes. Les essences de bois blanc de la végétation de ses rives (saules, aulnes) forment les « saussaies » ou « saulaies » mentionnées dans les matrices cadastrales. Le soldat blessé de la Grande Guerre retrouve probablement ici la quiétude des berges de la rivière de son enfance.

 

 

 

 

 

 

 

2) « L’Arros en crue » , huile peinte sur palette, février 1955 (36/26cm), Santos Zarate (1915-1982), collection particulière.

 

Santos Zarate peinture tableau plaisance du gers

 

           a) Le peintre :

 

    Santos Zarate est né le 7 novembre 1915 à Santander. Ses études aux Beaux-Arts de Barcelone sont interrompues par Ia guerre civile. Comme ses milliers de compatriotes républicains, il trouve l'asile politique en France en 1939. Dans les années 1950, il se fixe à Plaisance avec sa famille où il exerce la profession d'artisan-peintre. Ici, il consacre ses loisirs au dessin et à Ia peinture. Il a beaucoup représenté des paysages de Plaisance et de ses environs. Attiré par la luminosité de la Côte d'Azur, il quitte le Gers au début des années 1960 et s'installe près de Saint-Paul-de-Vence, où il décède en 1982.

 

            b) Le paysage représenté :

 

    Le bassin de l'Arros en aval du pont lors de la crue de février 1955. Ici, le peintre utilise l'une de ses palettes comme support pour saisir ce spectacle à la fois agité et fugace. Il évoque par ses couleurs et sa touche irrégulière la fureur des eaux boueuses, épaisses, couleur jaune ou café au lai, eaux rapides et tourbillonnantes, grondantes, à l'assaut des berges, barque inondée, sur le point de couler ou d'être arrachée par la violence du courant à son piquet d'amarrage. Sur le robuste pont de pierre, véritable balcon sur le bassin de l'Arros, de nombreux Plaisantins observent ce spectacle inquiétant mais fascinant. Simone Bourgoin, Plaisantine et amoureuse de « son Arros », à su traduire la fascination éprouvée pour l'Arros en crue, par les habitants du lieu dans ses Mémoires de jeunesse(a) : «Avec un mugissement continu, la vague sautait par dessus le mur du déversoir du moulin. Elle entraînait dans sa folie des troncs, des branchages qui, comme des bêtes d'un troupeau affolé, tourbillonnaient longuement au pied de la muraille, avant de se laisser emporter par le courant ou de s'échouer sur la berge d'en face L'eau montait à l'assaut des talus et accrochait aux branches des arbres des mousselines d'écume si légères qu'un souffle les soulevait, les déchirait avant d'en disperser les lambeaux ou fil du courant. Cette écume me fascinait»

 

 

 

 

 

(a) Ces mémoires manuscrits composés de 13 cahiers d'écolier sont inédits.

 

 

 

B) Un paysage urbain sur les bords de la rivière:

 

  Le front oriental de la bastide riveraine de l'Arros est le sujet de prédilection de peintres locaux et régionaux sensibles à la beauté du lieu ici de vieilles maisons à galeries de bois se reflètent dans les eaux vertes de la rivière en aval du pont.

3) « Plaisance», lithographie de Turpenne par Jean Philippe, 1843, extraite de la Guyenne monumentale (22/15cm). C'est la plus ancienne représentation de Plaisance connue à ce jour.

 

Le paysage représenté : tout le front oriental de la ville donnant sur la rivière. Il est né de la greffe du site de la bastide sur la rive haute d'un méandre concave de l'Arros, celle-ci devenant alors son large fossé protecteur à l'est(b).

 

Cette vue de Plaisance sous la Monarchie de Juillet est un paysage urbain transition, renfermant des bâtiments anciens et modernes. La forte croissance du bourg-marché plaisantin dans la première moitié du XIXème siècle est à l'origine de nouveaux aménagements urbains mais aussi de la destruction de vieux équipements publics devenus obsolètes. Parmi les éléments anciens du paysage représenté, signalons les vieilles maisons à doubles galeries riveraines de l'Arros ainsi que la tour-pigeonnier de la maison Saint-Pierre Lesperet, symbole architectural sur la rivière de la toute puissance de ses propriétaires dans la bastide sous l'Ancien Régime. Le pont de bois régulièrement ébranlé ou emporté par les régulières inondations de l'Arros, donc infrastructure faible du système d'échange, est l'autre vieil équipement représenté.

 

 

 

  Mais des bâtiments et aménagements récents apparaissent sur la gravure. Le poste d'octroi est mis en place sous la Restauration (1827) pour financer les travaux d'entretien du pont de bois ou son remplacement par un robuste pont de pierre. Le tas de gravats de la placette du pont résulte de la destruction de la petite halle au blé devenue obsolète avec l'édification dans les années 1840 de la vaste place aux grains, située dans le nouveau faubourg en construction à l'ouest de la vieille ville. La petite place agrandie devient alors la place à la volaille, fréquentée pendant plus d'un siècle par les fermières du bourg et du canton. Au centre de la gravure, on aperçoit un imposant immeuble : c'est la nouvelle mairie construite en 1818, « qui fait l'admiration des étrangers », marque architecturale dans le bourg de la promotion d'une modeste bastide devenue presque «miraculeusement» chef-lieu de canton à la Révolution. A l’extrême gauche du dessin, on peut voir un bâtiment d'une très grande modernité pour l'époque : les premiers bains publics de Plaisance créés en 1837 par les Ducos, négociant du lieu. Enfin, l'insolite gabarre à voile latine, amarrée au pied de la vieille ville, en amont du pont, « le futur port fluvial de Plaisance » est probablement un clin d'oeil de l'artiste au grand projet économique de la Gascogne sous le règne de Louis Philippe : la création du canal Galabert appelé aussi canal des Pyrénées. En 1840, les édiles de Plaisance, enthousiastes, votent une subvention de 5 actions de mille francs pour sa réalisation(c). Notons enfin, la présence du rideau de peupliers qui borde les rives humides de la rivière.

 

 

 

(b) II s'agit de la bastide «rétractée» de la fin du XIVème siècle.

 

 

 

(c) Sur l'histoire de l'urbanisme à Plaisance au XIXème siècle, consulter La bastide de Plaisance au XIXème siècle «  Croissance et apogée du bourg-marché » (vers 1780-1880) dans BSAG, quatrième trimestre 1999 p 425 à 464.

 

 

 

 

 

4) « Plaisance», aquarelle, 1858 (14/11cm) Paul Lacave-Laplagne (1817-1888)

 

Paul Lacave-Laplagne peinture tableau plaisance du gers

 

             a) Le peintre :

 

      Ce grand érudit de la Gascogne du XIXème siècle, originaire de Montesquiou est l'auteur d'une série de dessins et d'aquarelles sur les villages et monuments du Gers qui constituent des documents iconographiques précieux pour les chercheurs et archéologues du département du Gers.

 

            b) Le paysage représenté :

 

       La partie du front de la bastide donnant sur la rivière, en aval du pont. Comme l'auteur de la gravure de la Guyenne monumentale, Paul Lacave-Laplagne a été sensible au pittoresque des vieilles maisons à galeries du quartier de l'Arros. On retrouve sur son aquarelle certains éléments observés sur la vue précédente : le rideau de peupliers, la tour-pigeonnier de la maison Saint-Pierre mais cette fois habillée en torchis et pans de bois et non plus en pierre. Mais l'édifice nouveau et «moderne» représenté sur ce paysage du bord de l'Arros du Second Empire est le pont de pierre érigé en 1846-1847, grâce aux prodigalités du comte de Saint-Marsault, dernier préfet du Gers de la Monarchie de Juillet. La petite ville reconnaissante donnera son nom à la place à la volaille récemment aménagée. Le pont de pierre et la vaste place aux grains, édifiée elle aussi dans les années 1840, sont les deux nouveaux équipements commerciaux, symboles de Ia croissance du bourg-marché du XIXème siècle.

 

 

 

 

 

5) « Vieilles maisons sur l’Arros», huile sur toile (59/44cm), années 1960, André Saramon (1912-1998), mairie de Plaisance.

André Saramon peinture tableau plaisance du gers

     a) Le peintre : Fils du peintre local Paul Saramon (1878-1927), André a tout enfant le goût du dessin. Peindre, crayonner est, pendant toute sa vie son passe-temps favori. Pour des raisons familiales, il ne peut faire les Beaux-Arts. II devient instituteur, enseigne successivement à Beaucaire, Ladevèze, Plaisance. L'éducation nationale utilise ses talents de dessinateur, en le nommant professeur de dessin au cours complémentaire de sa petite ville natale à la fin des années 1950. Comme son père Paul, André est un collectionneur et un artiste-peintre local de qualité. Ses nombreux tableaux et dessins sur Plaisance et son canton témoignent de son amour de sa Rivière-Basse natale. Il a aussi illustré des ouvrages comme le « Secret de la Tour d'Armagnac » de J-L Quéreilhac et « Autrefois... Plaisance et son pays, vie et coutumes ». Gascon, il aime le rugby et la course landaise qu'il a délicieusement croqués dans ses carnets de dessins. II s'adonne parfois à la poésie. Son poème sur «L'Armagnac» a obtenu un prix national.

        b) Le paysage représenté : A la différence des deux peintres précédents, André Saramon n'a peint ici que les vieilles maisons à galeries du quartier de son enfance. Les escaliers de bois représentés qui relient directement les balcons de bois des maisons aux berges de la rivière, témoignent de l'intégration de ces dernières dans l'espace de vie des habitants du lieu. On y fait la lessive, on y élève de la volaille, on y descend pêcher, on y aménage même des pontons de bois qui facilitent l'accès à la barque familiale.

 


   Signalons que ce paysage urbain sur l'Arros a été encore peint par les artistes suivants : B. Cartier dans les années 1920, E. Goujon en 1940, S. Zarate dans les années1960 (deux tableaux recensés), Louis Brun dans les années 1950, Marie-France et André Rouquet dans les années 1970 et Janet Pain (Américaine établie dans le Gers) dans les années 1990.

 

 

C) Le pont de pierre : édifice emblématique de la ville de Plaisance:

 

    Le robuste pont de Plaisance aux 3 arches est le sujet de nombreux tableaux de peintres locaux et régionaux. Edifié sous la monarchie de Juillet, il est aujourd'hui l'un des plus anciens ponts de Rivière-Basse. De 1850 à 1950, il est l'orgueil des habitants de la bastide.

 

6) « Le bassin de l’Arros en amont du pont », huile peinte sur un panneau de porte de maison de l’artiste (49/44cm), fin XIXème siècle, Auguste Labadie (1872-1929).

 

 

a) Le peintre : Né le 31 mai 1872 à Reggio (Calabre) Auguste, ingénieur des travaux publics, est le fils de Jean-Marie Labadie et d'Adeline Panizzi d'une excellente famille calabraise. A la Belle Epoque, sa profession le mène aux quatre coins du monde : il séjourne au Brésil, à Djibouti (1900-1901), en Chine (1904-1909) et en Indochine. En1904, il participe à la construction du chemin de fer du Yunnan. Curieux et collectionneur, il rapporte de ses voyages en Extrême-Orient un grand nombre d'objets qui embelliront la maison paternelle. Dans sa jeunesse, il aurait voulu faire les Beaux-Arts. Aussi durant ses loisirs il s'adonne avec passion à la peinture. II est l'auteur de nombreux tableaux, mais son «chef-d'oeuvre» est le remarquable décor peint des portes du premier étage de sa maison familiale très italianisée, représentant des scènes allégoriques, des fleurs et des paysages dont celui du bassin de I'Arros. Maire radical de Plaisance de 1924 à 1929, défenseur de l'école laïque, il fait don de nombreux objets exotiques au musée du cours complémentaire dont les fameuses pirogues et la paire de chaussures chinoises à bandelettes qui ont fait rêver des générations d'élèves d'origine rurale.

 

Auguste Labadie  peinture tableau plaisance du gers

b) Le paysage représenté :

 

    Cette vue panoramique sur le bassin de l'Arros en amont du pont est traitée à la manière romantique : eaux agitées et troubles de la rivière, lumière inquiétante sur le pont et sur la vieille ville, transperçant d'épais nuages annonciateurs de l’orage. On y voit le beau pont de pierre, la place à la volaille joliment arborée. En arrière plan, on aperçoit les toits ocre de la vieille ville d'où émerge encore la tour-pigeonnier de la maison Saint-Pierre qui disparaîtra en 1909 dans un incendie. Ce très beau tableau sur la bastide témoigne des qualités de l'artiste mais aussi de l'amour qu'il porte à l'Arros et Plaisance.

 

 

7) «Le pont», huile sur toile (42/30cm), 1934, J-B Duviau (Castelnau 1860-Plaisance 1941), Mairie de Plaisance.

 

           a) Le peintre : Jean-Baptiste Duviau est un notable du bourg. Minotier, il est associé à Léonce Rosapelly, le grand industriel de Plaisance de la Belle Epoque. Comme Paul Saramon et Auguste Labadie, il est peintre amateur et collectionneur, particulièrement passionné de numismatique. Il a légué à la ville de Plaisance 7 tableaux, véritable reportage coloré sur la vie du bourg entre 1899 et 1934, dont une charmante vue de la place de la mairie en 1936. Intitulée « Silhouettes», on y voit l’artiste en costume et chapeau melon, entouré de personnalités du vieux quartier. Comme Auguste Labadie, il a enrichi le musée du cours complémentaire par le don d'une impressionnante collection d'animaux naturalisés.

Jean-Baptiste Duviau peinture tableau plaisance du gers

          

            b) Le paysage représenté :

le pont de pierre à trois arches, puissant trait d'union entre les deux rives de l'Arros et seul accès à la ville par l'est. On y aperçoit un ouvrier l'outil sur l'épaule et deux personnes appuyées à la rambarde du pont, observant, amusés, la colonie de canards qui cancanent au-dessous d'eux. La proximité du pont et de la place de la mairie explique sa forte fréquentation journalière. On y vient faire la causette, rêver. Parfois le dimanche, on s'y fait même prendre en photo seul ou en famille, mais toujours «endimanché».

 


 

8) « Le pont, dessin du pont d’après nature », dessin industriel aquarellisé, (50/34cm), Eugène Duffau-Barbasson (1868-1940), collection particulière.

 

             a) Le dessinateur : Eugène Duffau est le fils aîné d'une très ancienne famille de paysans aisés du quartier des Contes de Plaisance. Cet ancien élève des Frères des écoles chrétiennes du lieu est l'auteur d'un charmant dessin « enfants faisant voguer un sabot » qui nous donne des renseignements sur le costume régional de la fin du XIXème siècle. On lui doit aussi une série de dessins industriels représentant des maisons et édifices publics (gare, phares).

 

              b) Le dessin : il a été exécuté dans le cadre de l'enseignement du «dessin linéaire» au programme des disciplines enseignées à l'école des Frères. Le pont de Plaisance devient un sujet pédagogique à la fin du XIXème siècle où triomphent les sciences et la technique. Un dessin de même facture a été retrouvé dans une autre maison du bourg, il est lui aussi exécuté par un ancien élève de cette institution.

Le pont de Plaisance est aussi traité dans un tableau de Romain Delage qui est l’auteur du décor peint du pavillon «Ercilla» dans les années 1880.

 


 

D) L'Arros vivante, l'Arros lieu de vie:

 

Cet aspect de la rivière est magistralement évoqué dans les tableaux de Jean-Baptiste Duviau, chantre de l’Arros(d)

 

I. L'Arros, un espace de travail et un miroir des activités du bourg :

 

9) « Les laveuses », huile sur toile (42/30cm), 1934, J-B Duviau, Mairie de Plaisance ;

                  a) Le peintre : cf supra

Jean-Baptiste Duviau peinture tableau plaisance du gers

        b) Le paysage représenté : le lavoir métallique municipal édifié en 1931. Il a remplacé celui en bois établi en 1911 en amont du pont, et emporté par l'inondation de 1930. La scène des laveuses se déroule probablement un lundi, jour de lessive hebdomadaire pour de nombreuses familles plaisantines. Deux lavandières, une pile de linge essoré à leur côté, sont en train de laver, tandis qu'une autre ramène son linge rincé dans une typique brouette à lessive ou fond particulièrement ventru. Les laveuses professionnelles du bourg appartiennent au petit peuple plaisantin. Ce sont souvent des femmes seules sans ressources, des épouses d'ouvriers et d'immigrés (italiennes, espagnoles) qui complètent par ces travaux peu rémunérés les maigres ressources du ménage.

 

(d)Inscrits à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.

 


10)  «Laveuse étendant son linge » gouache, (18/15cm) vers 1960, André Saramon, collection particulière.

 

a) Le peintre : cf supra

b) Le paysage représenté : l'étendoir municipal au pied du pont.

Une robuste laveuse portant un «devantail» est en train d'étendre du linge. Ce petit tableau des années 1950, exécuté pendant les «Trente Glorieuses» est un des derniers témoignages iconographiques de l'activité des laveuses de l'Arros avant l'entrée en force des machines à laver dans les foyers plaisantins. Signalons que le lavoir en bois est le sujet du décor peint d'un devant de cheminée d'une maison du bourg. Il a été exécuté en 1929 par un certain A. Dupuy.

André Saramon peinture tableau plaisance du gers

Jean-Baptiste Duviau peinture tableau plaisance du gers

L'abreuvoir aux boeufs est le sujet d'une encre de E. Goujon (1940) et d'une huile peinte sur tuile canal d'André Saramon exécutée en 1960, dernière évocation de la vie rurale traditionnelle à Plaisance avant la Révolution du tracteur.

 

A ce jour, nous n'avons retrouvé aucune représentation picturale des entreprises industrielles établies sur l'Arros ou sur ses canaux de dérivation et notamment des quatre minoteries qui ont joué un rôle considérable dans l’économie locale entre 1860 et 1960.

 

 

11) « L'abreuvoir aux boeufs » huile sur toile, (42/30cm), 1934, J-B. Duviau,Mairie de Plaisance.

 

a) Le peintre : cf supra

 

b) Le paysage représenté : l'abreuvoir aux boeufs au pied de la place à la volaille. Cette scène révèle l'importance de l'activité agricole à Plaisance dans les

années 1930. Les agriculteurs y sont encore très nombreux. On y aperçoit, en effet, un paysan coiffé d'un chapeau de paille et muni d'un aiguillon surveillant du haut du parapet de la placette, ses deux bêtes en train de boire. Bien dressé, le chien de garde les a suivies jusqu'à la berge. En arrière-plan s'étend la place à la volaille ombragée délimitée par une haie bien taillée. Des boute-en-train du vieux quartier la surnommaient «la cage aux poules». Signalons la présence sur le mur d'une maison, de petits panneaux publicitaires très colorés, marques ici de la première société de consommation de l'entre deux guerres.

 

  L'artiste n'a pas oublié de représenter la traditionnelle barque du pêcheur de l’Arros, élément important du décor de la rivière jusqu'aux années 1980.


 

II. L'Arros, un espace de détente, de loisirs, un espace aimé :

 

12) Ce thème est encore évoqué dans deux tableaux de J-B. Duviau : le bassin de l’Arros en aval du pont, huiles sur toile (42/30cm), 1899 et 1934, J-B. Duviau, mairie de Plaisance.

 

Jean-Baptiste Duviau peinture tableau plaisance du gers
Jean-Baptiste Duviau peinture tableau plaisance du gers

 

                  a) Le peintre : cf supra

 

                   b) le paysage représenté :

 

    Les deux tableaux exécutés à 35 années d'intervalle représentent le bassin de l'Arros en aval du pont par une belle journée dominicale du printemps. Sur les deux toiles, le paysage urbain n'est pas entièrement identique, puisque celui de 1934 est amputé de la tour-pigeonnier de la maison Saint-Pierre. Mais dans ses deux productions, J-B. Duviau, amoureux de Plaisance, s'est attaché à montrer la qualité du cadre de vie des habitants des maisons riveraines de l'Arros ainsi que les diverses activités de loisirs procurées par la rivière à la population plaisantine. Les pittoresques galeries de bois où sèche le linge, offrent une belle vue sur le bassin de l'Arros quotidiennement animé. Ce lieu, plein de vie et de charmes est fleuri. Des pots de géranium sont alignés sur la murette de la maison aux encadrements de fenêtres de pierre et briquettes. Plus loin, dans la roseraie de la maison du commandant Ferrier, ancien capitaine du port de Conakry, un jardinier au chapeau de paille, momentanément distrait par les activités du plan d'eau, fait une pause. La berge dont l'accès est facilité par les escaliers de bois descendant des galeries est transformée en basse-cour. Du fait de la présence. de la rivière, on y fait venir surtout les canards, véritable élevage collectif des Plaisantins du vieux quartier de la mairie. Signalons que l'épreuve de la course aux canards est une animation de la fête patronale très prisée par la jeunesse du pays.

  L'Arros procure d'autres distractions : la pêche bien sûr, loisir de prédilection de très nombreux Plaisantins, est évoquée dans les tableaux : pêche à la ligne « du bord étant »  (sur le tableau de 1899, un jeune pêcheur à la ligne sur le point « de casser » est en train de sortir un énorme brochet), pêche en barque (sur une barque, on aperçoit deux pêcheurs dont l'un est muni d'une épuisette). J-B. Duviau n'omet pas d'évoquer l'autre loisir offert par la rivière à la belle saison : le canotage ou promenade en barque très apprécié par les jeunes bourgeois du bourg (une demoiselle élégamment chapeautée se fait conduire par son cavalier servant, un rameur chevronné).

Signalons que les grandes barques de l'Arros permettent les sorties pique-nique familiales à la belle saison(e)

 

 

(e) Jusqu'à l'inauguration de la piscine municipale en 1960, les baignades estivales à Plaisance ont lieu dans l'Arros. Les vieux Plaisantins se souviennent des « plages » de Bontemps et de Rousset très fréquentées dans les années 1930 et1940, des « plages » du lavoir et de Verdier qui les ont remplacées au lendemain de la seconde guerre mondiale. L'Arros est jusqu'aux années 1960 un espace sportif, cadre de compétitions de natation : traversée de Plaisance à la nage dont la plus ancienne connue à ce jour est celle de l'été 1919, organisée pour la fête du retour des Poilus, exhibition de plongeons et de nages dans les années 1930 par les champions du TOEC. Mais la rivière a été aussi un espace festif puisque son très beau bassin a été le théâtre des très célèbres défilés des barques illuminés, points d'orgue des fêtes du 14 juillet des années 1960.

Précisons que ces défilés animaient déjà les fêtes patronales de la fin des années 1930 et que leur existence est fort ancienne, puisque attestée dans un document du Second Empire.

Seule la « Fête foraine », charmante gouache très colorée d'André Saramon peinte dans les années 1960 évoque la rive droite festive de l'Arros.

Sur la pêche à Plaisance, consulter « Petit lexique historique de la pêche à Plaisance » dans le Bull. Soc. Arch. du Gers, troisième trimestre 2009.

 

 

 

 

Conclusion

 

    Des peintres locaux et régionaux du XIXème et XXème siècles ont légués une riche iconographie sur l'Arros plaisantine qui témoigne de l'importance de celle-ci dans la topographie de la ville et dans la vie quotidienne des habitants(f). Ils ont évoqué ainsi l'identité de « bastide de rivière » de Plaisance.

Le pittoresque paysage urbain donnant sur le bassin de l'Arros, en aval du pont est le sujet de prédilection de ces peintres du dimanche, de plein air.

Ces peintres amateurs, souvent de qualité, qui rêvaient dans leur jeunesse de faire les Beaux-Arts, appartiennent pour la plupart d'entre eux à la bourgeoisie locale de la IIIème république. Ils sont tous passionnés de peinture et par l'art en général décorant parfois les portes de leur maison de fleurs, de trophées de chasse, de paysages et de scènes allégoriques(g). Certains d'entre eux ont ramené de leurs séjours lointains dans les diverses contrées de l'Empire des collections d'objets exotiques qui ornent l'entrée, le salon ou même « le musée » de leur vieille maison gasconne.

 

Mais par leurs paysages de l'Arros plaisantine les peintres originaires de Plaisance révèlent l'amour qu'ils portent à la rivière de leur petite ville natale. Ce long ruban vert sinueux qui se déroule au pied de leur cité a été durant leur jeunesse le cadre d'extraordinaires parties de pêche, de baignades, de jeux, de promenades en barques et de rêves. Cet amour pour l'Arros transparaît aussi dans les poèmes que certains ont écrits sur Plaisance(h).

 

 

 

(f)Cet inventaire des tableaux sur les paysages de l'Arros plaisantine est très certainement incomplet. Nous ne saurons jamais combien de peintres amateurs de la région ont fréquenté les berges de l'Arros. Nous avons très peu d'informations sur trois peintres de la bastide de Plaisance XIXème et XXème siècles qui ont très certainement peint les bords de la rivière.

Alexandre Magenc (1822-1894) qui selon la tradition orale aurait reçu une très solide formation de peintre dans un atelier parisien a laissé a sa mort de très nombreux tableaux. Mais nous ne connaissons de lui qu'une « Résurrection » (1852) qui orne le bas-côté de l'église de Plaisance, une « nature morte au geai » et une scène de chasse à courre peinte sur une porte de sa maison familiale, la chartreuse de Magenc. Nous savons encore moins de choses sur Henri Bonnafont. Une photographie de 1899 le montre dans son atelier de peintre. Il semble avoir été très lié à la famille Labadie. Il aurait fini ses jours à Biarritz. Une femme peintre, Rachel Flourès, dite « la peintresse », vieille fille excentrique, a souvent posé son chevalet sur les bords de l'Arros dans les années 1940. Elle exposait ses toiles dans les vitrines des boutiques du bourg.

 

(g)Nous retrouvons encore aujourd'hui ces décors peints dans trois maisons de Plaisance: dans l'ancienne maison Labadie-Drioux, oeuvre d'Auguste Labadie, dans le pavillon Ercilla, décor peint dans les années 1880 par Romain Delage ancien militaire et dans l’ancien hôlel Saramon, paysages peints par P. Saramon dans deux gypseries du XVIIIème siècle.

 

 

(h)La rivière a inspiré aussi les écrivains poètes locaux : Dominique Vincent en 1843 dans « Plaisance » paru dans le journal "l’opinion", Joseph Plandé dans "Un gascon, hussard de la République ou chronique de la vie quotidienne à Plaisance vers 1900", J-Louis Quéreilhac dans "Un... Tel Maire" (1962), Simone Bourgoin dans ses " Souvenirs d'enfance ". Notons que des poèmes ont été écrits sur Plaisance et l’Arros par Alban Destournes, M. Destouet, Henri Quéreilhac, Pierre Fort et André Saramon.