Deux enfants de Plaisance alors au 14ème RI fin 1915: à gauche, Noël Junca (1894-1917) "Mort pour la France" à Moronvilliers (Marne) le 3 mai 1917 des suites de blessures de guerres  et à droite Robert Rond (1886-1918) "Mort pour la France" à Somme Py (Marne) le 30 septembre 1918, tué à l'ennemi.

(fonds d'archives: famille Junca)

   

      Les communes les plus touchées furent Tieste et Galiax avec 7 % de leur population et à un degré moindre Préchac avec un peu plus de 5 %. L'écart n'est pas vraiment significatif compte tenu de la taille de l'échantillon (un individu pouvant représenter parfois  1% de la population).

   

On recense une cinquantaine de veuves dont 12 à Plaisance, 10 à Beaumarchès, 5 à Préchac ...

Part de la population communale



 

Les régiments gersois à la veille de la guerre

    Le département du Gers faisait partie du 17ème Corps d'Armée et de la 17ème région militaire qui occupait six départements: le Gers, la Haute-Garonne, l'Ariège, le Tarn et Garonne, le Lot et Garonne et le Lot. Le général de division Arthur Joseph Poline (1852-1934) dirigeait le 17ème Corps.

Ci-dessus, le palais du Maréchal Niel à toulouse, quartier général du 17ème Corps, situé à proximité du Grand-Rond.

 

    Le Gers comptait 2 régiments d'active  en  1914:

 

   Le 88ème rég. d'infanterie  avec 2 bataillons  à Auch dans la caserne Lannes  (voir ci-contre) et un bataillon à Mirande dans la caserne Laubadère. C'est le colonel Jean-Marie Auguste Mahéas (1855-1915) qui dirigeait le régiment lors de l'entrée en guerre en août 1914.

   


  Le 9ème rég. de chasseurs à cheval d'Auch était caserné quartier d'Espagne  sur les bords du Gers (voir ci-contre). C'était un régiment de cavalerie, il était composé de 4 escadrons. C'est le colonel Lenez Cotty de Brécourt qui le dirigeait en 1914.

Un escadron territorial* était aussi rattaché à ce régiment.

 Les régiments d'infanterie et de cavalerie territoriaux* étaient le 135ème RIT caserné à Mirande (voir ci-dessous) et le 9ème Régiment territorial de chasseurs.

La caserne de cavalerie d'Espagne à Auch


La caserne d'infanterie Laubadère à Mirande

  *Les régiments territoriaux était constitué des hommes de plus de 35 ans: les "pépères" tels qu'ils étaient surnommés par les soldats plus jeunes. Ils n'étaient pas directement présents sur les lieux de combat mais entretenaient les infrastructures, les casernes et surveillaient les sites stratégiques entre autres. C'est le lieutenant-colonel Lacave Laplagne Barris qui dirigeait le 135ème RIT et le capitaine Mathieu qui dirigeait le 9ème RCT en 1914.



     Nos soldats étaient normalement affectés dans les régiments du 17ème Corps mais principalement au "88ème" pour ce qui est de l'infanterie. Au commencement de la guerre, les réservistes ont été appelés et s'est formé à Mirande le 288ème* régiment d'infanterie auquel ont appartenu de nombreux soldats de notre canton.

Il est donc logique de retrouver de nombreuses victimes dans ces 2 régiments gersois (voir ci-contre).

*On ajoutait le chiffre 2 devant le numéro du régiment pour le distinguer du régiment d'active.


Le 11ème RI était caserné à Montauban et Castelsarrazin, le 9ème RI à Agen, le 14ème RI à Toulouse, le 59ème RI à Foix et Pamiers, ... Ce dernier régiment formait avec le 88ème la 68ème brigade d'infanterie.

 

Ci-contre, le képi d'un soldat du 88ème RI


 Ci-contre, le blason à forte symbolique du 88ème régiment d'infanterie de Mirande et Auch. On retrouve l'Agneau de Dieu, symbole du sacrifice et le lion, symbole de la force; le glaive attestant du caractère militaire.

"In hoc signo, vinces" (trad. : avec un tel insigne, vous vaincrez), telle était sa devise ! 


 

Quelques chiffres

  Les fantassins comme chacun sait ont été durement touchés puisqu'ils étaient en premières lignes. C'est donc bien entendu l'infanterie qui concentra la majorité des pertes. C'est particulièrement frappant dans notre canton puisque le pourcentage dépasse les 90 %.

L'artillerie accuse 5% de pertes. Viennent ensuite le génie, la cavalerie et la marine.


   Les deux premiers semestres de guerre ont été les plus meurtriers pour notre canton puisqu'on enregistre sur cette période 44% de l'ensemble des décès.   Après une stabilisation à un niveau très élevé durant les 3 années de guerre de position, on retrouve une augmentation au cours de l'année 1918 (semestres 1 & 2). Ceci est consécutif à l'arrêt des hostilités entre l'Allemagne et la Russie (décembre 1917), les Allemands ont alors pu concentrer toutes leurs forces sur le front occidental.

Les pertes du canton par semestres


    Nos poilus ont été durement touchés dans les département de la Marne et de la Meuse principalement. C'est dans le secteur des Hurlus en Champagne puis à Verdun que l'on compte le plus de victimes:

 


     - 21 décès entre le 22 août 1914 et le 15 mars 1915 sur les 3 communes : Mesnil les Hurlus, Perthes les Hurlus et Hurlus. 

      - 15 décès entre le 24 février et le 15 septembre 1916 dans le secteur de Verdun.

Les deux dates les plus terribles étant le 26 septembre 1914 aux Hurlus et le 9 mai 1915 à Roclincourt dans l'Artois (Pas de Calais) où périrent 7 soldats du canton le même jour. 


Les trois communes du secteur des Hurlus dans la Marne ont aujourd'hui disparu. Elles ont été symboliquement rattachées aux communes confrontantes : Perthes lès Hurlus à Souain, Mesnil lès Hurlus à Minaucourt et Hurlus à Wargemoulin.

 

Ci-contre: le village disparu de Mesnil-lès-Hurlus sous les bombardements.


 

Quelques poilus du canton "Morts pour la France"

 

 Le premier soldat du canton tombé "tué à l'ennemi" fut le sous-lieutenant Guy Granier de Cassagnac (1882-1914), fils de Paul et petit fils de Bernard-Adolphe, ancien député maire de Plaisance-du-Gers. Guy est mort à Faxe en Lorraine le 22 août 1914

Il écrivait ces lignes émouvantes à sa mère peu de temps auparavant :

  "Tu m'as donné la vie non pour en jouir mais pour être utile, pour servir. J'accomplis donc ma destinée et je remercie Dieu si je tombe, de m'en avoir rendu l'accomplissement si prompt et si facile.

Je pars tranquille, l'âme en paix, le corps dispos. Les êtres qui ont été très heureux et qui croient en Dieu ne craignent pas de mourir.

Je souhaiterais si je suis tué, d'être enseveli avec ceux qui tomberont à mes côtés et que j'aurais l'honneur de commander."


 

Morts aux côtés du lieutenant Alain Fournier

   Peu de temps après, le 22 septembre 1914, au niveau de la tranchée de Calonne à Saint-Rémy dans la Meuse, Henri Dulitges (1884-1914) de Beaumarchès et Casimir Lamarque (1887-1914) de Couloumé-Mondébat mais né à Louslitges sont tombés aux côtés du célèbre romancier Alain Fournier et de 19 autres compagnons d'arme du 288ème RI. Ils étaient portés disparus jusqu'au jour où, 77 ans plus tard, en novembre 1991, une fosse commune fut retrouvée contenant les 22 victimes dont 20 ont pu être identifiées. Un monument commémoratif a aujourd'hui été érigé à cet endroit.

 

Ci-contre: l'auteur du "Grand Meaulnes" avec son képi du régiment gascon.  


 

Les décès par grade

      Sur le gros millier d'homme du canton mobilisé, 27 officiers, 16 sous-officiers et 210 hommes du rang furent tués : 4 capitaines, 1 lieutenant, 6 sous-lieutenants, 16 sergents, 28 caporaux et 182 soldats ont perdu la vie. On peut citer les capitaines Louis Clèdes de Goux, Martial Laurence (voir ci-dessous) et Pierre L'Officier de Plaisance, Joseph Matharan de Tieste; le lieutenant  Delphin Balencie né à Galan (65) mais ayant des attaches à Beaumarchès ; les sous-lieutenants  Guy de Cassagnac et Robert Salles du Couloumé, Pierre Ader, Emile Sabail, Fernand Parroussel (voir photo ci-dessous) et Pierre Labadie de Plaisance.

Ci-contre à gauche un buste du capitaine Martial Laurence (1883-1915) du 66ème RI de Tours décédé le 16 juin 1915 à Neuville Saint-Vaast dans le Pas de Calais. Il est né à Plaisance-du-Gers le 11 juillet 1883.

 

Ci-contre à droite, le sous-lieutenant Fernand Parroussel (1893-1917) né à Plaisance-du-Gers rue Sainte-Quitterie le 21 avril 1893 et disparu sur le massif de Moronvilliers dans la Marne autour du 17 avril 1917. Il est ici dans son uniforme du 10ème régiment de dragons de Montauban.


Les disparus en mer

  Deux jeunes matelots de 2ème classe du canton ont disparu en mer. Joseph Cantonnet (1895-1916), né le 16 septembre 1895 à Jû-Belloc, a  péri dans le naufrage du cuirassé "le Suffren" avec 647 autres membres d'équipage. Le navire a été torpillé par un sous-marin allemand au large de Lisbonne au Portugal le 26 novembre 1916. Joseph était canonnier servant et avait 21 ans.


        Lucien Labenne (1898-1918) né à Plaisance le 8 septembre 1898 a disparu au large des Açores le 20 janvier 1918 avec 17 autres matelots français suite à une très forte tempête. Il était lui aussi canonnier servant à bord du chasseur de sous-marin n°319 (voir photo ci-contre). Il avait 19 ans.

 

Plus d'informations : ici

Le chasseur de sous-marin n°319 qui a coulé au large des Açores


De la jeunesse des soldats...

   Une autre réalité de la guerre : la jeunesse des combattants, des deux côtés.

Face au nombre très important de victimes, il fallait toujours plus de soldats et les incorporations s'effectuaient par anticipation. Ainsi Jean-Fernand Loubatères de Jû-Belloc fut incorporé à 18 ans au 14ème RI de Toulouse avant de rejoindre le 113ème de Blois le 30 mars 1918. Il est blessé au thorax le 10 juin suivant lors des combats d'Antheuil dans l'Oise. Il décédera le lendemain à l'hôpital d'évacuation de Catenoy. Il avait tout juste 20 ans.

 

 Ci-contre :  le visage juvénile de Jean Fernand Loubatères (1898-1918) 


 

 

Ci-contre, les ruines du petit village d'Antheuil dans l'Oise après la retraite allemande du 15 juin 1918. Le village fut le siège d'intenses combats entre le 10 et le 15 juin 1918 au cours desquels le 113 régiment d'infanterie a subi énormément de pertes.


Plusieurs fratries furent touchées

     On dénombre 11 familles du canton de Plaisance qui ont perdu deux fils durant le conflit. Les familles Rencontre de Préchac, Payssé et Couteille de Beaumarchès, Battanchon, Duviau, Montagnan et Duffau de Plaisance, Arquier de Lasserrade, Cantonnet de Jû-Belloc, Lagonelle de Galiax et la famille Dupuy de Tieste.

 

Maître Sabail,  maire de Plaisance de 1908 à 1919

   Le maire de Plaisance pendant la guerre était Maître Alfred Sabail, notaire rue de la Porte. Il est élu maire à 68 ans suite aux élections municipales de 1908 puis réélu en 1912. L'élection de 1916 ayant été annulée en raison du conflit, il prolongea son mandat jusqu'aux élections de décembre 1919.

      Il perdit 3 membres de sa famille lors de cette guerre: son fils Emile Sabail (1882-1916), sous-lieutenant cf supra, son gendre Pierre L'Officier (1872-1916), capitaine cf supra et son petit fils Alfred Martin (1899-1918), soldat.    

Alfred Sabail


 

Un hôpital temporaire rue La Fontaine à Plaisance

    Face au grand nombre de blessés, il fut impossible, par manque de structures et de personnels, de soigner tous les soldats à proximité des zones de combat. Ils furent donc évacués sur tout le territoire national.

A Plaisance, à l'initiative du Dr Maurice Jaymes (1863-1934), s'est ouvert un hôpital d'une vingtaine de lits rue Lafontaine. La structure était présidée par Mme Jaymes. Mme Dubalen était secrétaire, Mme Rosapelly, comptable, Mmes Gauté, Castagnon et Chevallier économes, Mlle Lestrade et Mme Ballières  lingères.

Le soldat Léon Largillière (1892-1914) né à Paris est malheureusement décédé des suites de blessures le 13 septembre 1914 à l'hôpital de Plaisance quelques jours après son inauguration. C'est le seul soldat décédé dans cet hôpital. Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Plaisance.

 

Carnet de guerre

   Le sergent Jean-Louis Lafourcade (1893-1975) né à Plaisance a tenu un carnet de guerre très précis dans lequel il témoigne des atrocités du conflit, notamment aux Eparges au printemps 1915. Il était affecté au 106ème RI tout comme l'écrivain Maurice Genevoix. Son frère Jean Lafourcade, de dix ans son aîné, sera malheureusement tué à l'ennemi le 8 avril 1915 à Flirey en Meurthe et Moselle. 

   Jean-Louis Lafourcade sera fait prisonnier le 9 avril 1916 à Cumières-le-Mort-Homme et envoyé au camp de Chemnitz en Saxe jusqu'à l'armistice.

J-L Lafourcade


 

Dessins de guerre

   Ci-contre, le lieutenant Paul Saramon (1878-1927) né à Plaisance le 20 juin 1878, fils d'un couple d'hôteliers, rue de la Mairie. Militaire, engagé dans l'infanterie coloniale, il participe aux campagnes du Tonkin (Nord du Viêt Nam actuel) jusqu'en 1911 date à laquelle il rentre à Plaisance.

    Il est incorporé au 288ème RI de Mirande lors de la mobilisation du 2 août 1914. Il incorpore le 342ème Rég. d'Inf. Territoriale le 20 mai 1915 afin de renforcer ce régiment qui a subi de fortes pertes dans le secteur des Hurlus (Marne).

 


Il est blessé le 12 juin suivant à Perthes lès Hurlus.

Il passe au 6ème Rég. du Génie l'année suivante et est promu chevalier de la légion d'honneur le 26 décembre 1916. 

Il est démobilisé en janvier 1919 avec pension d'invalidité. Il décédera dans son village gascon le 13 mars 1927.

 Passionné par la peinture, il a réalisé de nombreux tableaux sur Plaisance et la Rivière-Basse mais aussi de nombreux dessins ou aquarelles de guerre comme celle présentée ci-contre, remarquable de précision, qui représente le poilu de 1916 avec l'uniforme bleu horizon, le casque Adrian et son lourd barda.

 


 Les anciens combattants

  Peu de temps après la fin de la guerre, les anciens combattants, partout en France,  vont se constituer en association. L'Union Nationale du Combattant (U.N.C.) verra le jour avec notamment un bureau de section à Plaisance.

 

 Un tableau commémoratif original à Plaisance

   A Plaisance, fut réalisé par un poilu breton, un  grand tableau commémoratif encore visible aujourd'hui en mairie au niveau du Palier du Souvenir.